Cours/TD L'Humus

Rappels et définitions

L’épisolum humifère est la partie supérieure du sol où se rencontrent les matières minérales et organiques. Il est constitué des horizons humifères (O , H et/ou A) dont l’organisation est sous la dépendance essentielle de l’activité biologique (AFES, 1995). La forme d’humus est la “traduction” macromorphologique et taxonomique de l’épisolum humifère. Elle est basée sur la séquence verticale particulière des horizons O , H et/ou A. Le terme d’humus sensu stricto est réservé à l’ensemble des matières organiques issues des processus d’humification. Il a donc un sens très précis de nature biochimique.

Forme d'humus = "traduction" macro - morphologique et taxonomique de l'épisolum humifère

L'épisolum humifère : compartiment thermodynamiquement actif du sol

L’énergie solaire déploie dans l’épisolum tous ses effets, avec libération de l’énergie chimique contenue dans la MO et fixée préalablement par la photosynthèse. Selon le type de formation végétale, 50 à 90 % de l’énergie contenue dans la production Iaire entrent dans les réseaux trophiques du sol (chaînes de détritus). Les 50 à 10 % restants nourrissent les réseaux trophiques hors sol (chaînes de broutage-prédation). Cette énergie permet la croissance des organismes, l’organisation de leurs relations mutuelles et la construction de nouvelles molécules biologiques.

Les retombées de MO fraîches : La production de biomasse dans un écosystème se traduit à la mort des organismes ou des organes par le retour au sol des MO dites "fraîches". Les MO fraîches sont consommées par les différents organismes décomposeurs (au sens large) du sol dont les vers de terre, les arthropodes, les champignons et les bactéries.

L'action des organismes décomposeurs : Ces organismes ont des actions que l'on peut classer en trois grands types :

  • fragmentation (animaux);
  • digestion (transformations chimiques : enzymes des champignons et bactéries, sucs digestifs);
  • incorporation de la MO à la matière minérale (animaux fouisseurs).

Les résultats des actions des organismes décomposeurs peuvent être étudiés sous 2 aspects :

  1. transformation morphologiques des retombées : individualisation des horizons O et A dont la succession définit les formes d'humus.
  2. devenir des constituants de la MO fraîche
  3. minéralisation de la cellulose, de la lignine, des sucres, etc.. en ions et molécules simples
  4. formation de molécules organiques complexes (humidification), plus ou moins liées aux argiles, formant l'humus sensu stricto

1er aspect : Transformations morphologiques des retombées

Individualisation des horizons O et A dont la succession définit les formes d'humus. => les classification des formes d'humus

Comme en taxonomie des sols, l’unanimité n’existe pas pour les formes d’humus. Cependant, 2 critères de différenciation se retrouvent dans l’ensemble des classifications existantes :

  • le degré d'acitivité biologique (minéralisation et humification), révélé par la morphologie des horizons décrits sur le terre;
  • le degré d'aération opposant les formes d'humus aérées aux formes hydromorphes. Le niveau moyen et l'amplitude de la nappe déterminent des conditions oxiques ou anoxiques, temporaires ou permanentes, qui influencent la croissance et l'activité des organismes.

Classification de Jabiol et al. (1995, 2009) :

Une démarche en 3 étapes :

  • favoriser d’abord les caractères de l’horizonA;
  • s’intéresser ensuite aux caractères des horizons holorganiques O et H;
  • préciser enfin les particularités physico-chimiques ou fonctionnelles par l’adjonction de qualificatifs.

Chaque horizon est défini sur des bases essentiellement morphologiques alors que le fonctionnement apparaît surtout au niveau des formes d’humus dans leur ensemble.

Horizons holorganiques situés à la surface du sol et résultant de l’accumulation de débris ou fragments végétaux morts plus ou moins transformés. Les horizons O se forment en conditions aérées par opposition aux horizons histiques H qui se forment en condition de saturation prolongée par l’eau. On distingue 3 types d’horizons O – [OL, OF et OH] – en fonction de l’état moyen de transformation des débris végétaux lié à l’activité biologique du sol. La distinction de ces 3 horizons est indispensable pour la caractérisation des principales formes d’humus. Les distinctions plus fines servent à mieux comprendre les modes de fonctionnement et de transformation.

Constitués de débris foliaires non ou peu évolués et de débris ligneux; la forme originelle des débris est reconnaissable à l’œil nu. Ces horizons ne contiennent pas de MO fine (= amas millimétriques de MO sans débris figurés visibles à l’œil nu).

On distingue :

  • OLn (n = neue : nouvelle) : feuilles ou aiguilles de l ’année, tombées depuis moins d ’un an, non ou peu transformées, libres entre elles.
  • OLv (v = verändert : changé; verwittert : altéré; verbleicht : décoloré) : feuilles plus ou moins transformées, brunies, blanchies, ramollies et/ou en paquet collé.
  • OLt (t = transition) : débris foliaires peu transformés mais fortement fragmentés (Oln "brisé") = restes non consommés par les Vers de terre

Formés de résidus végétaux, plus ou moins fragmentés, reconnaissables à l’œil nu, en mélange avec de la matière organique fine. MO fine correspond à des amas millimétriques résultant de l’accumulation de boulettes fécales de la mésofaune et représente moins de 70 % en recouvrement visuel. On distingue :

  • OFr : débris relativement grossiers avec peu de boulettes fécales (moins de 30 % en volume).
  • OFm : débris figuré assez petits avec de nombreuses boulettes fécales (30 à 70 % en volume).
  • OFrc, OFmc ou OFc : débris emballés dans des filaments mycéliens, horizon OF à structure mycogène.

Les horizons OH contiennent plus de 70 % en volume de MO fine = amas de boulettes fécales et des micro-débris végétaux et mycéliens sans structure reconnaissable à l’oeil nu. On distingue :

  • OHr : 70 à 90 % en volume de MO fine
  • OHf : plus 90 % de MO fine

Pourcentage de MO fine évalué hors racines fines mortes ou vivantes. Les débris de bois ou d’écorces, souvent abondants sous résineux, ne sont pas pris en compte. Aspect de terre de bruyère ou de terreau, teinte brun rougeâtre à noire, structure granulaire ou massive ou fibreuse.

Horizons organo-minéraux ou hémiorganiques, c’est-à-dire contenant en mélange de la matière organique et de la matière minérale. Ces horizons se forment à la surface du sol ou en dessous des horizons O. Les modes d’incorporation de la matière organique aux horizons minéraux sont de 3 types :

  • horizon A biomacrostructuré
  • horizon A d’insolubilisation
  • horizon A de juxtaposition ou matière organique en "transit".

Horizons A biomacrostructurés résultent du brassage biologique par les vers de terre anéciques et endogés de la totalité de la masse humique avec des particules minérales fines. Structure grumeleuse plus ou moins affirmée selon l’importance de l’activité biologique. Liaisons MO-matière minérale fortes :

  • soit biogènes (issus d ’une digestion des résidus foliaires et racinaires par les vers de terre)
  • soit, minoritairement, physico-chimiques par insolubilisation des molécules organiques solubles par le fer et les argiles du sol.

Horizon A d'insolubilisation correspondent à des conditions de faible activité des vers de terre mais de forte activité fongique : champignons de la pourriture blanche qui dégradent les résidus foliaires et racinaires. Pas de macro-structuration biologique. Présence de fer et d’argile en quantité suffisante provoque en A une forte insolubilisation des molécules solubles qui se matérialise par la présence de fortes quantités de MO d’insolubilisation dans les complexes argilo-humiques.

Horizon A de juxtaposition : correspondent aux sols sans activité notable de vers de terre anéciques ou endogés (pas de structure grumeleuse). Le milieu, acide, pauvre en argile et en fer, ne permet pas non plus une insolubilisation importante en a des molécules solubles (pas d’horizons d ’insolubilisation). La M.O. de A = accumulation de boulettes fécales de microarthropodes et d’enchytréides juxtaposées aux particules minérales. Il s’agit de M.O. dite "héritée" c’est-à-dire très peu transformée chimiquement. Ces A sont mal structuré (structure particulaire ou massive).

2e aspect : Devenir des constituants de la MO fraîche

=> Processus de minéralisation et d'humidification

Tous les épisolum humifères suivent le même mode de fonctionnement à cinq voies de transformation de la MO :

  • minéralisation primaire M1
  • minéralisation secondaire M2
  • humification par héritage H1
  • humification par polycondensation H2
  • humification par néosynthèse bactérienne H3

La minéralisation : Stade ultime de la biodégradation de l'humus en matière minérale ou gazeuse sous l'influence de micro-organismes du sol. Lors de cette transformation,

  • les sources de carbone se minéralisent jusqu'à la production de CO2
  • l'azote organique se minéralise en passant par les stades NH4+, NO2- et NO3

Humidification : Au sens large, ensemble des processus de transformation de la MOF en humus sous l'influence des microorganismes du sol (par oxydation, condensation, polymérisation, etc)

Fonctionnement des épisolum humifères : Les aspects qui changent de l’un à l’autre sont :

  • les poids relatifs de la minéralisation et de l ’humification
  • l’importance comparée de M1 et M2
  • les intensités relatives de H1, H2 et H3
  • la vitesse de transformations biochimiques et la stabilité des composés
  • l’influence de la minéralogie du matériel parental
  • l’influence de la nature des litières
  • les influences relatives des diverses catégories d’organismes.

La formes d'humus = intégrateur du fonctionnement biologique et des caractéristiques physico-chimiques de l'épisolum humifère.

Episolum humifère = carrefour des interactions entre activité biologique et caractéristiques physico-chimiques stationnelles => comment établir le(s) lien(s) entre les propriétés biologiques et physico-chimiques de l'épisolum humifère et le fonctionnement de l'écosystème ? (problème des transferts d'échelle en écologie).

L'agrégatosphère : interactions micro-organismes et formation des agrégats du sol.